Mes hôtes m’informent qu’il y a une boutique de vélos dans la prochaine ville, Cojutepeque, à environ 6 km. Je quitte temporairement la panaméricaine et me retrouve dans des rues étroites et bondées où je ne peux pas circuler en vélo, faute d’espace.
À la boutique de vélo, on remplace mon rayon brisé et mes plaquettes de frein et on réaligne ma roue. Tout ça pour 2$US. Il n’y a pas de pneus disponibles pour mon vélo, mais ça peut attendre.
Finalement je suis contente de reprendre la panaméricaine, malgré ses difficultés. Aujourd’hui je retrouve moins de camions stationnés sur l’accotement et aucun trou-d’homme ouvert. Par contre des paysans se servent de l’accotement pour faire sécher leurs plants de fèves rouges et séparer les fèves des plants. J’avoue que la chaleur de l’asphalte doit être efficace pour cela, bien qu’au Québec les routes n’ont pas cette fonction.
J’ai trouvé un hôte Airbnb pour ce soir à San Esteban, à environ 3 kilomètres de la panaméricaine. Je n’avais pas réalisé que c’était 3 kilomètres de forte montée. Alors que je pousse péniblement mon vélo le long de la route, j’entends un bus arriver derrière moi. Maintenant que je sais qu’on peut arrêter un bus n’importe où en lui faisant signe, je décide de prendre le bus avec mon vélo. Tant pis si je ne fais pas tout à vélo. Je considère mon vélo comme un outil et non pas comme mon maître.
Je suis la première visiteuse Airbnb dans cette petite ville, c’est ce que m’apprend mon hôte, Félix. Il me cuisine un souper et me partage l’histoire de son pays.
Felix avait 17 ans lorsque monseigneur Roméo a été assassine en 1980. Pendant les funérailles, des soldats ont lancé une bombe semant la panique dans la foule des 350 000 personnes rassemblées et ont tiré sur les gens. Une soixantaine de personnes sont tuées, soit piétinées ou par balle.
Cet événement a constitué le début de la guerre civile qui a ravagé le Salvador et s’est terminée 12 ans plus tard. Pour éviter d’être enrôlé de force dans l’armée ou avec les guérilleros, mon hôte a fait différents séjours aux Etats-Unis. Nous visionnons des vidéos sur YouTube qui exposent ces événements.
J’ai de la difficulté à m’imaginer comment ces gens si sympathiques en sont arrivés à s’entretuer. Je suis vraiment une personne choyée de n’avoir jamais vécu la guerre et toutes les atrocités qu’elle amène dans son sillage.
Merci encore de nous permettre de partager un peu ton voyage. Je trouve beau de voir que tu as des contacts qui me semblent tellement enrichissants et naturels avec tes hôtes et aussi avec d’autres personnes que tu rencontres. Je crois bien que tu as un talent pour attirer cela.