Premier cours d’espagnol nicaraguayen ce matin. Ici on ne prononce presque pas les S des pluriels à la fin des mots. Et on dit  «vos» au lieu de «tu», «vos sos» au lieu de «tu eres».

Mon prof est un informaticien de 35 ans, qui a travaillé et enseigné l’informatique à l’université. Depuis les manifestations d’avril et les répressions qui ont suivi, beaucoup d’étudiants vont poursuivre leurs études au Costa Rica. Les touristes et les étrangers ont déserté le pays. De nombreux commerces et entreprises ont fermé. Les gens ont perdu leur emploi et font ce qu’ils peuvent pour survivre.

Les nombreuses écoles d’espagnol ont dû interrompre leurs activités. Ana et moi serions les 2 premières étudiantes à Leon depuis avril. Nous suivons nos cours dans la maison où nous sommes logées par mesure de sécurité.

Évidemment on parle de la situation politique et économique du pays. Tout a commencé par une réforme des retraites. Quand la population a réalisé que l’argent avait disparu et que le président, sa femme et leurs nombreux enfants avaient acquis différentes entreprises, les gens ont manifesté pour demander la destitution du président. Ce dernier a réagi par la répression.

Dans la ville de Leon, qui compte 206 000 personnes, 2 000 barrages ont été érigés aux intersections pour protester contre les emprisonnements et les exécutions et pour empêcher la circulation des policiers dans les rues. L’armée est intervenue avec tout son équipement militaire pour démanteler les barrages, tuer des manifestants et terroriser la population.

Depuis août, c’est plus calme dans les rues, mais la colère est bien présente dans les cœurs. Les gens attendent le départ du président en se disant que maintenant qu’il a détruit l’économie du pays, il ne pourra pas rester au pouvoir très longtemps encore. La population ne veut pas d’une guerre civile, mais garde espoir d’un Nicaragua meilleur.

En fin d’après-midi, nous allons à la mer, à Las Penitas. L’eau est chaude, les vagues sont belles, l’air est bon, la limonade est délicieuse. Quel contraste entre le paysage extérieur et les tourmentes dans les esprits.