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Ce matin mon prof d’espagnol m’amène au marché pour acheter des œufs et du fromage. Milton, mon prof, est le fils de Yadira, la dame chez qui je suis hébergée. Ils ont un petit commerce informel et revendent articles scolaires, œufs, fromage, glace. À tout moment de la journée, des gens se présentent à la porte pour acheter un, deux ou trois œufs ou un peu de fromage. Selon mes calculs, ils font environ un dollar de profit pour trente œufs vendus, ce qu’ils vendent en moyenne en une journée.

Les commerces informels sont un des moyens utilisés en Amérique centrale pour survivre. Chacun essaie de vendre quelque chose pour gagner quelques sous. Certains se promènent dans les rues en offrant leurs produits. D’autres mettent une petite affiche sur leur porte et attendent les clients.

Ce matin il ne reste presque plus d’oeufs et Milton m’annonce que le cours d’espagnol commencera par une visite au marché, qui est à dix minutes de marche de la maison. Nous utilisons les services d’un tricycle pour revenir à la maison. Le prix est de 15 córdobas pour un nicaraguayen et de 30 córdobas (environ un dollar) pour un touriste.

De retour en classe, nous discutons de ce que j’ai pu observer au marché. Une différence magistrale entre le marché local et l’endroit où j’ai l’habitude de faire mon épicerie au Québec est l’absence de réfrigérateur pour les viandes. Au marché, une femme avait mis un peu de glace dans un plat et, dessus, deux gros poissons qu’elle offrait aux passants. Elle agitait un éventail pour éloigner les mouches.

Milton est convaincu que la viande est plus saine ici, car elle est vendue fraîche, sans aucun agent de conservation. Il me dit que les nicaraguayens se méfient des viandes vendues dans les réfrigérateurs et les congélateurs.

Deux conceptions différentes de ce qui est meilleur pour la santé. Chacune a sa valeur selon moi. Je trouve toujours intéressant de comprendre le point de vue de l’autre pour avoir une meilleure vue d’ensemble de la situation.

Une autre chose difficile à comprendre pour un touriste nord-américain est la différence de prix pour les touristes. Quand j’achète quelque chose au Québec, le prix se doit d’être le même pour tous et l’office de protection des consommateurs a pour tâche de s’en assurer. Les prix doivent être affichés clairement dans les commerces et les taxis doivent utiliser des compteurs pour éviter les abus. C’est une question de justice sociale dans mon pays.

Ici la justice sociale est perçue différemment. On vend moins cher à ses amis, à ceux qui sont moins riches. Les étrangers sont perçus (avec raison) comme riches. De plus la monnaie des pays d’Amérique centrale est dévaluée par rapport au dollar américain. Il y a dix ans, me dit Milton, le dollar américain valait 18 córdobas; aujourd’hui il en vaut 32. C’est aussi un point de vue qui se défend selon moi.